«… ceux qui retournaient en Chine étaient prêts à vendre leurs papiers …ceux qui désiraient venir ici … achetaient une identité … pour aller en Amérique»
Kwoi Gin
Suey Kee Gin, le père du cinéaste torontois Kwoi Gin, est arrivé au Canada au début des années 1950 comme le «fils de papier» de son propre grand-père qui était venu travailler sur le chemin de fer Canadien Pacifique avec un de ses oncles. Il a pu venir au Canada grâce aux faux papiers achetés par sa mère à Hong Kong. C’était alors une pratique commune qui permettait aux familles de contourner la Loi d’exclusion des Chinois.
Kwoi est né à Hong-Kong et il raconte que sa grand-mère se faisait du souci pour son fils, «elle pensait que mon père était trop jeune et qu’ils allaient le refouler à l’immigration». «Elle voulait qu’il passe la frontière sans aucun problème».
Le Canada a abrogé la Loi d’exclusion en 1947, mais de nombreuses familles canadiennes chinoises étaient prises dans un flou légal et arrivaient difficilement à se réunir. Le plus ironique est qu’ auparavant son père avait obtenu des papiers légaux mais ils furent vendus à une famille qui réussit à envoyer un fils au Canada sous son nom. Restés à Hong-Kong, Kwoi et sa mère obtiennent enfin les papiers nécessaires pour venir à Toronto en 1965. Il rencontre son père pour la première fois à l’âge de neuf ans et le Canada lui apparaît alors comme un pays étrange et effrayant.
page 2 >Toute sa vie, Kwoi a cherché un endroit où il pourrait se sentir chez lui, il est retourné à Hong-Kong dans les années 1990, vers cette mer de Chine du Sud où il espérait retrouver ses racines. «Je ne voulais pas revenir, car je n’aimais pas beaucoup le Canada, je ne me sentais pas appartenir à ce pays». «Je suis donc reparti là-bas, mais j’ai été très déçu et j’ai compris que je ne pourrais plus retourner dans mon pays. Ce que j’avais laissé n’existait plus et je me sentais aussi étranger là-bas qu’ici».
Kwoi est parti à la recherche de ses racines canadiennes à Quesnel Forks (C.-B.), une ville fantôme où son arrière-grand-père, Dip Gin, a vécu un temps après la construction du CPR. «Je me souviens des histoires, de quelques fragments racontés par mon arrière-grand-père qui est allé à Quesnel après le chemin de fer. J’ai voulu y aller pour retrouver un peu de cette histoire».
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