«D’un océan à l’autre, le Canada a lancé son vaste projet de construction ferroviaire – du Lac Supérieur au Pacifique nous avons vu arriver des délégations d’experts avant même l’entrée de la Colombie-Britannique [dans la confédération]  … Le Canada a agi de bonne foi».

Promising and Performing, Le journal «The British Colonist», le 20 juillet1871

«Aujourd’hui la Colombie-Britannique passe tranquillement et … avec grâce dans le giron de la confédération de l’Amérique du Nord britannique».

Confederation Complete, «The British Colonist », le 20 juillet 1871

«Il semblerait qu’il existe en ce moment des rumeurs concernant les contrats de travail pour la construction du chemin de fer, que les travailleurs chinois seraient privilégiés au détriment de la main-d’œuvre blanche … nous aurons recours aux deux catégories de travailleurs et nous fournirons du travail à 3 000 hommes blancs ….»

Andrew Onderdonk, Lettre au «Mainland Guardian», 23 février 1881

« M. [Albert Bowman] Rogers … ingénieur .. a enfin découvert un ou des passages praticables à travers ces redoutables obstacles dressés sur la voie vers le progrès ferroviaire…»

Mainland Guardian, New Westminster, le 8 février 1882

«Grâce à votre politique visionnaire et votre inébranlable soutien, la construction du chemin de fer Canadien Pacifique est aujourd’hui achevée. Nous avons assisté à la pose du dernier rail ce matin (samedi) à 9 h 22».

Télégramme de félicitations de W.C. Van Horne, vice-président de la Compagnie des chemins de fer Canadien Pacifique, adressé au Premier ministre John A. Macdonald

La Colombie-Britannique se joint à la confédération en 1871 suite à la promesse du Premier Ministre John A. Macdonald de construire un chemin de fer transcontinental reliant la province au reste du Canada. Un délai de deux ans est prévu pour le lancement des travaux et une période de dix ans pour leur achèvement. Mais le début des travaux est retardé par une série de  problèmes politiques, financiers ainsi que des accusations de mauvaise gestion et de scandale. La construction d’un chemin de fer à travers les Rocheuses représentait, pour de nombreux critiques, un projet coûteux et un gaspillage de main-d’œuvre. Défait en 1873, le gouvernement conservateur de Macdonald revient au pouvoir en 1878. Face à l’expiration éventuelle des délais de construction, la Colombie-Britannique incite le gouvernement canadien à maintenir sa promesse. Amor De Cosmos, un politicien de Colombie-Britannique, a même évoqué un retrait de la province de la confédération et son annexion aux Etats-Unis.

Après deux mois de discussions houleuses dans la Chambre des communes canadienne, le chemin de fer est finalement approuvé le 15 février 1881. Cette date commémore aussi la fondation de la Compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique par un groupe d’entrepreneurs. Le gouvernement verse comptant au CFCP (CPR) 25 millions de dollars. Le CFCP a aussi reçu 10 millions d’hectares de terre arable et une exemption d’impôts. En échange, la compagnie s’engage à compléter la construction du chemin de fer en 1891. Composée de deux sections, la construction de la partie ouest allait s’étendre vers l’est, au-delà des Rocheuses, pour se joindre à la section centrale, à partir de l’Ontario vers l’Ouest du pays. Les deux sections allaient éventuellement se rencontrer à Craigellachie (C.-B.).

Composée de quatre provinces – Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Québec et Ontario - en 1867, la Confédération canadienne accueille le Manitoba en 1870.  La Colombie-Britannique, alors colonie de la Couronne britannique, est séparée du reste du Canada par les Rocheuses. La colonie était alors au bord de la crise. La fin de la ruée vers l’or, après environ une décennie, plonge la région dans une situation d’endettement et de récession. Par ailleurs, une partie de la population en Colombie-Britannique était en faveur du projet d’annexion avec les Etats-Unis. En  1869, un groupe de propriétaires terriens et d’entrepreneurs rédigent une pétition d’annexion adressée au Président américain Ulysses Grant. Dans cette pétition, ils font appel au Président pour commencer les négociations avec la Grande-Bretagne en vue du transfert de la Colombie-Britannique aux Etats-Unis.

En 1868, Amor De Cosmos, qui deviendra le second Premier ministre de la Colombie-Britannique en 1872, participe à la fondation du Confederation League, une organisation en faveur de l’annexion avec le Canada. La ligue a joué un rôle important dans le ralliement du soutien en faveur de la confédération. L’opinion demeurera divisée pendant des années. En 1870, “les grands débats sur la Confédération” à la législature de la Colombie-Britannique établissent les conditions d’entrée dans la confédération. Celles-ci  comprennent, entre autres, la construction d’une voie ferroviaire reliant la province au reste du Canada. Quelques mois plus tard, les représentants de la Colombie-Britannique se rendent à Ottawa et négocient avec succès l’entrée de la province dans la Confédération canadienne. Le 20 juillet 1871, la Colombie-Britannique devient officiellement la sixième province du Canada.

C'est à Andrew Onderdonk, un ingénieur et entrepreneur américain de 37 ans, que revient la tâche monumentale de construire la section ouest du chemin de fer transcontinental. Onderdonk qui fut aussi responsable des travaux pour la construction de la digue de San Francisco représentait un important consortium américain. C'est donc sous la supervision d’Onderdonk que va s’effectuer la construction de la voie principale, longue de 341 km (212 mi), en Colombie-Britannique.

En 1880, Onderdonk signe quatre contrats avec le gouvernement canadien pour la construction de quatre sections du chemin de fer à travers le canyon du fleuve Fraser. En 1882, il  obtient un cinquième contrat pour la section qui s’étend de Port Moody sur la côte Pacifique jusqu’à Yale (C.-B.). Ayant accepté un paiement en dessous de ses estimations, il se retrouve face à un manque à gagner de 1,5 million de dollars et doit à tout prix réduire les coûts.

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Il décide alors d’employer des travailleurs chinois qui sont prêts à accepter des salaires plus bas et à payer leurs frais d’hébergement et autres dépenses courantes malgré la promesse faite au gouvernement canadien de privilégier la main-d’œuvre excédentaire blanche de Colombie-Britannique et du reste du Canada par rapport aux autres qui sont, dans l’ordre, les ouvriers canadiens-français, les Autochtones et enfin les Chinois. Sa décision de faire venir des ouvriers chinois a suscité de nombreuses critiques et controverses. Le sentiment anti-chinois en Colombie-Britannique était en partie alimenté par l’hostilité des syndicats à l’égard des travailleurs chinois accusés de travailler à des taux réduits et de voler le travail des ouvriers locaux.

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Kevan Jangze raconte comment son grand-père est venu au Canada …

À partir de Port Moody sur la côte de la Colombie-Britannique, la section ouest du chemin de fer transcontinental s’étend à l’est vers Savona Ferry sur le lac Kamloops, à l’intérieur de la Colombie-Britannique. Elle  passe à travers les canyons des fleuves Fraser et Thompson, les montagnes et les nombreux affluents fluviaux. Le fleuve Fraser constitue la porte d’entrée vers l’accès aux ressources et à la main-d’œuvre pour la construction du chemin de fer. La route  s’étend à l’est jusqu’à Craigellachie, C.-B., où elle rejoint la section centrale nouvellement construite.

La voie principale qui part de l’Ontario vers l’ouest suit une route parallèle à la frontière canado-américaine. Le plan initial proposait de construire une route vers le nord à travers les Prairies mais cette proposition fut rejetée en faveur d’une route plus au sud à travers le col Rogers même si cette route est plus dangereuse et difficile à naviguer. Grâce à cette route plus directe, le parcours de la voie principale est écourté de 209 km (130 mi).

La section ouest présente des défis majeurs et nécessite la construction de ponts, de tunnels et de murs de soutènement. En mai 1880,  Onderdonk commence les travaux sur la ligne nord à partir de Yale (C.-B.). Située au-dessus du fleuve Fraser, Yale est bordée de montagnes s’élevant jusqu’à 2 438 km (8 000 pi) de chaque côté. Ces montagnes de granit sont les plus dures au monde. Pendant dix-huit mois, les hommes vont travailler d’arrache-pied  et auront recours à des explosifs pour le perçage des quatre principaux tunnels. Plus de trente tunnels ont été construits sur les 27 premiers kilomètres (17 mi) au nord de Yale et une centaine de tréteaux et ponts sur un parcours de 40 km (30 mi).

Le 7 novembre 1885, à 9 h 22 du matin,  à Craigellachie, un petit hameau dans les montagnes Selkirk en Colombie-Britannique, a lieu une modeste cérémonie pour marquer la jonction officielle des sections ouest-centre du chemin de fer transcontinental. Le dernier rail, préalablement coupé, mesure 7,75 m (25 pi 2 po) et est prêt pour la pose officielle.

C’est au directeur du CFCP, Donald A. Smith, que revient l’honneur de planter le dernier crampon. Parmi le petit groupe présent à la cérémonie se trouve le major A.B. Rogers, l’arpenteur qui découvrit un passage à travers les montagnes. Grâce à ce passage auquel on donna le nom de «col Rogers», une route a pu être construite vers le sud du pays. Une poignée de dignitaires de Winnipeg, de Montréal et de Toronto assistent à la cérémonie à côté des travailleurs. Smith frappe une première fois, il manque son coup et le crampon est enlevé et remplacé par un nouveau qui, cette fois, est enfoncé comme il faut. La foule, tenue en haleine, éclate en applaudissements. Ce moment, immortalisé par une photo, est devenu un symbole d’unité nationale.

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La construction du chemin de fer a coûté environ 52 millions de dollars (environ 1,3 milliard en 2010) mais les coûts en termes de vies humaines demeurent incalculables. La célèbre photo commémorant la pose du dernier crampon ne raconte qu’une version de l’histoire. Ceux qui sont face à la caméra sont tous des Blancs. Il n’y a pas un seul ouvrier chinois. Ainsi, en un déclic, c'est toute la contribution de l’ouvrier chinois - son dur labeur, ses sacrifices et sa persévérance – à la réalisation du chemin de fer qui disparaît des annales de l’histoire.

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Landy Ing-Anderson décrit une photo de son grand-père…